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6 min | Publié le 10/06/2025

Nous n’avons pas formé 300 managers d’une grande banque française à l’agilité

Notre approche concrète pour les managers en environnement agile

Généralement, on rencontre deux situations communes quand on parle de la formation dans les transformations.

Le premier cas, c’est pas de formation du tout.

Le second, plus pernicieux, c’est une vague de formations poussées, issue d’un catalogue, qui présentent la recette du succès. Et en fin de campagne, le bilan ressemble à

800 personnes formées dont 100 managers, 4,5/5 de moyenne

et … très peu de changement.

Ce résultat, on l’a observé plus d’une fois, et on y a même participé par le passé.

Le modèle courant (quand les managers sont formés)

On demande souvent aux managers d’adopter une posture différente, on évoque la posture de leader-serviteur, la motivation intrinsèque, parfois on leur propose une formation accélérée d’une journée sur le « leadership agile ». Cela reste souvent très théorique, avec peu de lien avec leur quotidien.

Le résultat est assez prévisible : les managers repartent avec des notions générales, parfois utiles, mais rarement transformantes. Ils ressortent avec plus de questions que de réponses, un rôle incertain dans un système en mutation, et une certaine frustration. Certains se sentent marginalisés, d’autres continuent comme avant, et la transformation finit par patiner.

Nous avons décidé de faire autrement.

La posture que nous avons choisie

Nous n’avons pas voulu “former à l’agilité”. Nous avons voulu permettre à chaque manager de comprendre ce que signifie exercer son leadership dans une organisation qui se transforme. Il ne s’agissait pas de transmettre un modèle ou des injonctions, encore moins de remettre en question ce qu’ils font aujourd’hui ou de les culpabiliser car leurs pratiques actuelles ont du sens dans le système tel qu’il fonctionne.

Notre intention était plutôt de leur offrir un espace où prendre du recul, sans jugement, et envisager d’autres postures possibles, complémentaires, pour accompagner le développement de l’autonomie des équipes. Un espace pour se poser les bonnes questions, réfléchir à leurs leviers, à leur rôle, et retrouver une capacité d’agir dans un contexte souvent incertain.

Nous avons donc conçu une formation courte, concentrée, mais dense. Trois heures, pas de théorie, pas de cours magistral, mais des échanges, des mises en situation, et des prises de conscience. L’idée : ne pas pointer du doigt ce qui est fait aujourd’hui, mais permettre à chacun d’accueillir le changement en comprenant qu’il ne remet pas en cause leur engagement, mais ouvre d’autres manières d’agir.

Le design de la formation : ➕ de vécu, ➖ d’explications

Dès le départ, nous avons su que cette formation ne pouvait pas ressembler à un “cours sur l’agilité”. Les managers n’ont pas besoin qu’on leur explique ce qu’est un daily stand-up. Ce qu’ils attendent, ce sont des repères utiles, des échanges sincères, et des occasions de réfléchir ensemble à leur rôle dans un système en transformation.

Nous avons donc conçu un format de sensibilisation courte. L’intention était claire : créer un espace de prise de recul, sans jargon, sans jugement, où chacun pourrait se poser des questions essentielles sur sa posture, sa contribution, et ses leviers d’action.

Plutôt que de dérouler des contenus descendants, nous avons misé sur des mises en situation, des discussions entre pairs, quelques clés de lecture simples, et des temps d’introspection. L’objectif n’était pas que chacun reparte avec une to-do list, mais avec des prises de conscience, des questionnements, et parfois, quelques déclics personnels.

Le résultat est une expérience qui ne cherche pas à tout dire, mais à faire ressentir. À la fin des sessions, ce n’est pas tant le contenu qui marque que les discussions, les silences, et parfois les phrases qui restent.

Le seul lien direct avec les principes agiles : le manifeste agile, posé sur les tables, placardé au mur. En guise de boussole "à disposition". Pas de revu du manifeste, pas d'explication, ce n'est que du bon sens, les managers n'ont généralement pas besoin ni envie d'enfoncer des portes ouvertes.

Retrouvez la génèse de ces sessions dans ce talk à Agile en Seine en 2024

Ce que nous avons observé

En trois mois, nous avons animé cette formation auprès de près de 300 managers, répartis sur 28 sessions. Tous les niveaux hiérarchiques étaient représentés, y compris les membres du COMEX, qui ont suivi la première session.

La participation a été constante et engagée. Nous avons noté une forte implication dans les échanges, peu de décrochage, et un respect global du cadre proposé. Que se passe-t-il quand LE manager rentre dans la pièce ? 12 personnes, presque à chaque fois 12 réponses/sensibilités différentes : le débat est lancé. Au passage, exit l’idée d’écouter pendant 4h un “expert” déconnecté de mon quotidien : les participants sont des sachants, ils se challengent mutuellement.

Certains moments ont particulièrement marqué les participants :

  • Les mises en situation ont permis à chacun de se projeter et de confronter ses pratiques à celles d’autres managers.
  • Le travail sur les mécanismes collectifs (freins, postures, habitudes) a souvent ouvert des prises de conscience sur les dynamiques systémiques. Retrouvez notre article sur un exercice autour des sabotages ici : Découvrez les comportements qui sabotent (déjà) la culture de votre entreprise !
  • Le format court, avec une place importante laissée à l’échange entre pairs, a été bien accueilli.

Les retours ont souligné l’intérêt de proposer un espace de réflexion spécifique au management, dans un contexte où l’agilité est souvent perçue comme centrée sur les équipes. Ce temps dédié a permis de poser des questions de posture, de rôle, et de place, sans injonction ni modèle imposé.

Et après ? Accompagner le mouvement

Cette première session n’était qu’un point de départ.

Nous savions qu’une prise de conscience, aussi forte soit-elle, ne suffit pas à transformer des pratiques ancrées depuis des années. Il fallait prolonger l’expérience, soutenir la réflexion, et permettre à chacun d’avancer à son rythme dans l’appropriation de ce nouveau rôle.

C’est dans cet esprit que nous avons conçu la suite du parcours.

Après cette première demi-journée, les managers ont été invités à poursuivre avec plusieurs modules complémentaires – d’une journée – espacés dans le temps. L’ensemble du parcours représente trois jours de formation, répartis sur plusieurs semaines. Ce format étalé permet de digérer, de tester, de revenir avec des questions, et d’ancrer progressivement de nouvelles postures.

Chaque module aborde des dimensions différentes du rôle de leader dans un environnement agile : positionnement dans une organisation matricielle, dynamique d’équipe, accompagnement du changement, développement de l’autonomie, clarification des rôles…

Là encore, nous avons veillé à éviter l’approche descendante. Ces modules sont construits autour de cas concrets, d’échanges de pratiques, d’apports ciblés, et d’un travail collectif. Ils permettent d’aller plus loin, sans jamais perdre de vue la réalité du terrain.

En somme, nos convictions

Pour terminer ce partage, nous souhaitons reformuler nos convictions autour de ces formations au service d’un changement culturel :

  • Culpabiliser les managers est contre-productif. Ils sont souvent les premiers à vouloir bien faire, mais ils sont aussi ceux dont le rôle n’est pas décrit dans les frameworks.
  • La transformation ne se décrète pas. Elle se vit. Et elle commence par une prise de conscience individuelle.
  • La meilleure façon de faire évoluer les postures est de créer des situations d’échange, de discussion entre pairs, où chacun peut s’exprimer sans crainte du jugement.
  • Il n’est pas nécessaire de parler d’agilité pour en faire comprendre les principes. Il suffit de parler de management, dans un contexte complexe et mouvant.
  • Enfin, chaque manager dispose de leviers à son niveau. Ce sont ces micro-décisions du quotidien, ces choix de posture, ces petits ajustements qui, cumulés, font bouger les lignes.