Construire une roadmap produit orientée impact
Si votre roadmap produit ressemble à une to-do list géante ou à un calendrier intouchable, vous n’êtes pas seul·e.
Beaucoup d’équipes peinent à construire des roadmaps utiles, mobilisatrices et alignées sur les vrais enjeux business et utilisateurs.
- J’ai accompagné des dizaines d’équipes confrontées à ces blocages : vision floue, MVPs incompris, empilement de fonctionnalités sans impact… Alors, au fil du temps, j’ai rassemblé le meilleur de trois approches terrain pour créer un template clair, simple, et actionnable:
- son socle, la Goal Oriented Product Roadmap de Roman Pichler,
- le modèle du Skateboard into Car de Henrik Kniberg,
- et sa proposition de remplacer le MVP par trois notions clés : ETP, EUP, ELP.
Résultat ? Un template visuel, simple et puissant, qui structure la stratégie produit autour d’objectifs concrets pour l’entreprise et de bénéfices tangibles pour les utilisateurs. Je vous explique tout.

Impact Focused Product Roadmap
Pourquoi créer un nouveau template ?
La plupart des roadmaps souffrent de trois travers majeurs :
- elles listent des livrables sans lien avec les objectifs stratégiques,
- elles mélangent les intérêts de l’entreprise et ceux du client sans les expliciter
- elles ne permettent pas d’ancrer la démarche produit dans une logique d’apprentissage et de construction progressive.
Il fallait donc un outil qui permette de répondre à ces limites en clarifiant :
- Ce que nous visons pour l’entreprise (Objectif)
- Ce que l’utilisateur y gagne (Bénéfices)
- Comment nous livrons cette valeur progressivement (ETP → EUP → ELP)
Les fondations : fusion de 3 approches agiles
1. La GO Product Roadmap (Roman Pichler)

GO Product Roadmap
La Goal Oriented Product Roadmap repose sur 3 dimensions principales :
- Objectif : l'objectif ou le résultat à atteindre
- Fonctionnalités : les fonctionnalités permettant d'atteindre l'objectif
- Métriques : les indicateurs permettant de vérifier que l'objectif est atteint
Ce template est le socle de départ, j’ai intégré ce modèle en l’enrichissant d’une clarification essentielle : la distinction nette entre objectif interne (lié à la stratégie de l’entreprise) et bénéfice externe (apport concret pour les utilisateurs). Cette séparation permet de lever toute ambiguïté dans les discussions produit et d’ancrer la roadmap dans une logique d’impact réel, à la fois business et utilisateur.
2. L’approche "Skateboard into Car" (Henrik Kniberg)

Skate into Car
Ce modèle célèbre illustre parfaitement la notion de livraison progressive de valeur. Plutôt que de construire un produit en empilant des pièces (roue, châssis, moteur…), on construit dès le départ un produit qui répond même partiellement au besoin, même simple (un skateboard), et on l’améliore en continu jusqu’à atteindre une version complète (la voiture).
Cette logique permet :
- d’apprendre tôt,
- de livrer fréquemment et incrémentalement
- de rester connecté au besoin utilisateur
3. ETP, EUP, ELP : une vision plus fine que le MVP

Earliest Product
Le terme MVP (Minimum Viable Product) est souvent mal compris ou mal utilisé. Dans la pratique, il est fréquemment interprété comme "le plus petit produit possible", ce qui mène à des livrables inaboutis, frustrants pour les utilisateurs. Henrik Kniberg souligne que le MVP n’est pas forcément une version simplifiée d’un produit final, mais plutôt l’expérimentation la plus rapide pour valider une hypothèse. Cette confusion crée des attentes divergentes entre équipes produit, stakeholders et utilisateurs.
Le terme "Minimum" dans MVP prête aussi à confusion, car il évoque un produit réduit au strict nécessaire, alors que ce que les clients attendent, ce n’est pas du "minimum", mais du "au plus tôt" – c’est pourquoi remplacer "Minimum" par "Early" permet d'être beaucoup plus clair sur l'intention.
Henrik Kniberg propose donc de le remplacer le terme MVP par une progression en trois temps, bien plus explicite :
-
ETP – Earliest Testable Product :
Une première version permettant de tester une hypothèse (ex. : landing page, prototype interactif, PoC, test utilisateur, derisquage technique, ...)
D'ailleurs il vaudrait peut-être mieux appeler cette étape Earliest Exploratory Product.
➤ Objectif : apprendre
-
EUP – Earliest Usable Product :
Une version utilisable dans un contexte réel, même minimal (ex. : fonction clé disponible, parcours complet).
➤ Objectif : créer de la valeur, même partielle
-
ELP – Earliest Lovable Product :
Une version suffisamment aboutie pour être aimée/adorée par les utilisateurs, dépasser les attentes, générer de la recommandation ou de la fidélisation.
➤ Objectif : créer de l’attachement, différencier
Cette distinction est intégré dans le template pour marquer explicitement l'intention de chaque étape.
Présentation du template Impact Oriented Roadmap
Le template d'Impact Oriented Roadmap prend la forme d’un tableau représentant la stratégie produit, où chaque colonne représente une étape avec de la valeur, et chaque ligne une caractéristique produit. Voici sa structure :
Ligne | Description |
---|---|
Type | L'intention de l'étape : ETP / EUP / ELP, couplé à la métaphore Skateboard into Car |
Nom | Le nom de l'étape, de la version ou de la livraison |
Objectif pour l'entreprise | L’objectif business de cette étape (ce que l’entreprise vise) |
Bénéfices pour l'utilisateur | Le bénéfice direct pour l’utilisateur ou client final |
Fonctionnalités | Les fonctionnalités principales permettant d'atteindre l'objectif et les bénéfices attendus |
Métriques | Les cibles d'indicateurs permettant de vérifier que l'objectif et les bénéfices sont atteints – ils peuvent être de 2 types : leading et lagging |
Zoom sur les 2 grands types d’indicateurs:
- Indicateurs retardés (Lagging indicators) : ce sont des mesures qui reflètent un résultat constaté après coup. Ils évoluent lentement et permettent de vérifier l’impact réel des actions menées. Ex: le chiffre d’affaires ou le taux de rétention.
- Indicateurs précurseurs (Leading indicators) : ce sont des mesures prédictives qui donnent une indication sur la performance future. Ils évoluent rapidement et permettent d’anticiper une tendance et d’ajuster la stratégie. Ex: le taux d’activation d’une fonctionnalité ou le nombre d’utilisateurs actifs.
Exemple d'utilisation:

Exemple
Retour d’expérience : ce que ce template change concrètement sur le terrain
Après plusieurs missions où j’ai utilisé ce template avec des équipes produit, je peux affirmer qu’il apporte des bénéfices à la fois stratégiques, opérationnels et humains. Voici ce que j’ai observé.
Alignement stratégique et cohérence client
Ce modèle permet de relier chaque étape à des objectifs business explicites et mesurables, tout en mettant les bénéfices utilisateurs au même niveau. Cette double lecture — entreprise / client — clarifie les priorités et aligne les discussions.
Un des enseignements clés : lorsqu’on se limite à la notion d’“Objectif” comme dans la GO Product Roadmap, on finit souvent par se concentrer uniquement sur les enjeux internes. L’ajout explicite d’une ligne “Bénéfices utilisateur” change véritablement la dynamique. Il force les équipes à se poser la question : “Qu’est-ce que l’utilisateur gagne, concrètement, à cette étape ?”
Ce simple ajout déclenche souvent des échanges très riches et améliore la qualité des décisions produit.
Une livraison plus progressive, plus intentionnelle
Les équipes adoptent vite la logique ETP → EUP → ELP, qui permet de penser chaque version comme une étape autonome, avec une valeur propre. Fini les “big bangs” de livraison ou les blocs figés : on pense en apprentissages, usages, puis adoption.
Cela oblige aussi à se poser des questions fondamentales : Qu’est-ce qu’on veut apprendre ? Qu’est-ce qu’on peut livrer qui ait du sens, même partiel ? Qu’est-ce qui va faire aimer ce produit ?
Un outil qui structure les discussions
Ce template est rapidement adopté. Sa clarté visuelle et sa structure logique permettent aux équipes — produit, tech, design, mais aussi stakeholders — de se comprendre rapidement.
Mais le remplir n’est pas un exercice facile. Il pousse à clarifier des zones d’ombre, à arbitrer, à nommer des désaccords. C’est pour cela que je recommande une approche en deux temps :
Travail en petits groupes (duo/trio) d’abord, puis mise en commun pour convergence. Cette méthode fluidifie le consensus et fait émerger des options plus solides.
Conclusion
Ce template permet de mieux outiller les équipes qui veulent construire mieux, pas juste plus vite. Il repose sur des approches éprouvées, qu’il rend lisibles et actionnables dans un format simple.
Il est particulièrement adapté aux contextes suivants :
- lancement de nouveaux produits,
- ajout de périmètres fonctionnels à un produit existant,
- construction de roadmaps partagées avec des parties prenantes hétérogènes,
- coaching ou accompagnement produit.
Vous voulez l’adopter ?
Vous pouvez :
- Télécharger la version PDF 👉 ICI
- Organiser un atelier de co-construction de roadmap avec nos coachs aqoba
- Ou nous contacter directement sur LinkedIn pour en discuter !
Références
https://www.romanpichler.com/tools/the-go-product-roadmap/
https://blog.crisp.se/2016/01/25/henrikkniberg/making-sense-of-mvp